Aude Merlin est Professeure de Sciences politiques à l’ULB. Elle est l’une des grandes spécialistes de la Russie et de l’espace post-soviétique. Lors d’un récent Web’Actu du Conseil, elle a partagé ses analyses sur le conflit ukrainien et les enjeux en présence. Voici les principaux éléments de ses réflexions.

« Il est essentiel de mener une réflexion sur les enjeux et les perspectives du conflit ukrainien, même si nous sommes évidemment pris par l’émotion depuis que l’Ukraine a été envahie par les troupes russes » constate Aude Merlin en débutant son intervention lors du Web’Actu organisé le 26 avril dernier. Pour comprendre ce qui se joue à un peu plus de 2.000 km de chez nous, la Professeure de l’ULB a proposé de revenir 30 ans en arrière, lorsque l’Union soviétique vivait ses dernières heures. « L’URSS se présentait comme un tout uni, une union libre de nations, promouvant ensemble l’idéologie communiste. En réalité, derrière cette carte monochrome, il y avait une grande multitude de peuples, de cultures et d’histoires… qui avaient en commun d’être sous l’emprise d’un régime autoritaire et répressif. La question post-impériale est cruciale dans ce contexte ».

 En 1991, au moment de l’effondrement de l’Union soviétiques, 15 Etats indépendants, dont l’Ukraine, ont été créés et reconnus au niveau international, y compris par la Russie. A cette époque, un quadruple défi est apparu, qui est encore présent actuellement, explique Aude Merlin : « Il s’agissait – et il s’agit toujours d’ailleurs – de construire la démocratie, de construire la nation indépendante ainsi que l’état et de mener la transition économique, en passant d’une économie planifiée à une économie de marché encadrée par l’état de droit. Trente ans plus tard, ces idéaux et ambitions ne se sont pas réellement concrétisés : très peu des anciens Etats de l’Union soviétique sont de véritables démocraties et l’ordre autoritaire reste prégnant, notamment en Russie. En effet, le régime politique russe a évolué dans un sens répressif, mobilisant la question identitaire impériale et historique ».

Qu’en est-il de l’Ukraine et pour quelles raisons la Russie a-t-elle décidé d’entrer en conflit armé avec cet Etat ? La question ukrainienne incarne ce que les autorités russes souhaitent à tout prix éviter : la mobilisation des citoyens ukrainiens dénonçant la corruption ou la volonté de se rapprocher de l’Union européenne sont inacceptables, surtout aux yeux du Président russe. « Le projets politiques russes et ukrainiens sont diamétralement opposés », remarque la spécialiste. « Le plan de la Russie, et il n’est pas nouveau, consiste en une ‘désukrainisation’. Cela étant, l’entrée en guerre apparaît comme une fuite en avant des autorités russes. Celles-ci ne s’attendaient sans doute pas à une telle détermination dans la résistance ukrainienne. Dans ce contexte, il est difficile de prévoir quelle sera l’issue du conflit, même si l’on peut s’attendre à ce que le Président russe ne cède pas. Nous ne sommes pas dans une culture du dialogue politique, mais bien dans l’utilisation de la force et la volonté d’avoir une victoire militaire ».

Au niveau des conséquences socio-économiques du conflit, Aude Merlin a surtout insisté sur les effets désastreux de la guerre sur l’Ukraine elle-même : au-delà des pertes humaines, les pertes économiques et les destructions se chiffrent déjà à près de 200 milliards de dollars. Des villes entières sont détruites et il faudra de nombreuses années pour tout reconstruire.

Lors du débat organisé avec les participants au webinaire, plusieurs questions ont été abordées : le risque d’une troisième guerre mondiale ou d’une attaque nucléaire, le projet d’alliance sécuritaire européen, la situation en Russie et l’opposition au régime actuel, les intentions de Vladimir Poutine, le sort des réfugiés ukrainiens, etc. Le Web’Actu a été enregistré et peut donc être revu (voir ci-dessous).

 

Pour (re)voir le Web'Actu du Conseil consacré au conflit ukrainien

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