Le phénomène des fake news a pris, ces dernières années, de plus en plus d’ampleur. Qu’entend-on par "fake news" ? Qui sont les "coupables" ? Quels sont les éléments de contexte favorisant leur développement ? Quelles sont les solutions pour lutter contre les fake news ? Voici les réponses de Caroline Faillet, Directrice d’Opinion Act et auteure de l’ouvrage "Décoder l’info : comment décrypter les fake news ?".

Selon le Larousse, une fake news (ou "infox" en français) est "une information mensongère, délibérément biaisée ou tronquée, diffusée par un média ou un réseau social afin d’influencer l’opinion publique". Si le terme est assez récent, le phénomène existe depuis bien longtemps et concerne tout le monde. Ainsi, un Français sur trois reconnaît avoir déjà relayé de fausses informations par erreur et huit Belges sur dix considèrent que les fake news constituent un problème majeur. 

 

Les trois coupables

Les coupables de ces fake news sont de trois types : les fabriques de l’intox (ou les faussaires) tout d’abord; les réseaux sociaux et les platesformes ensuite; et enfin, la crédulité des masses. Pour la Directrice d’Opinion Act, il est important de comprendre les motivations et les fonctionnements de ces "coupables" pour trouver des solutions. "Commençons par les émetteurs. Quatre catégories se retrouvent dans les fabriques de l’intox, avec des motivations différentes. Le premier est le dogmatique ou le complotiste. Il a une cause à défendre et sa motivation est idéologique. Le deuxième type est le pro de l’intox, qui fait du business en faisant circuler les informations. Sa motivation est financière. Vient ensuite le "troll" ou le "hater" dont la motivation est d’ordre psychologique : sous des aspects ludiques, il parvient à monter les internautes les uns contre les autres. Et enfin, il y a vous et moi, qui faisons circuler de fausses informations. En cause : nos émotions".

Le deuxième coupable généralement incriminé sont les plates-formes, dont le modèle économique s’appuie sur le ciblage publicitaire et les datas. 
Pour obtenir ces données, il faut un engagement, qui se fait davantage avec de fausses informations. "Cela a deux conséquences néfastes. Tout d’abord, les algorithmes nous enferment dans des bulles de filtres. Par exemple, si vous vous intéressez
aux migrants, vous recevrez des contenus de plus en plus radicaux car l’objectif est de générer des émotions et donc de l’engagement. Ensuite, ces algorithmes sont utilisés pour réaliser des campagnes de manipulation de masse" constate Caroline Faillet.

Le troisième coupable est la crédulité des masses. Derrière ces fake news, il y a ce qui est utilisé depuis toujours, à savoir le détournement des biais cognitifs et émotionnels pour emporter notre adhésion sur une fausse information.

 

Comment en est-on arrivé là ?

Les évolutions du web ont réellement transformé les usages en termes de diffusion de l’information. "Les transformations ont progressivement permis aux citoyens d’être mieux informés, d’être mobilisés... A travers les blogs ou les sites internet, tout le monde a été en mesure de produire de l’information et de la partager. Aujourd’hui, nous sommes au web 4.0, avec le pouvoir du ‘phygital’ : les outils numériques permettent le passage à l’action d’organisations sans leader, fondées sur la collaboration des communautés. Plus le temps passe, plus les faussaires maîtrisent ces usages et ont un temps d’avance sur cette lutte contre la désinformation. A cela s’ajoute le défaut de maîtrise du web par les sachants dans un marché de l’information dérégulé, laissant ainsi le champ libre aux émetteurs de fake news" explique l’experte.

Quelles sont les solutions ?

Actuellement, les outils de "social listening" fournissent des données permettant d’analyser les comportements sur le web. Grâce à ces analyses, il devient possible de détecter une fake news et de la contrer, avant qu’elle ne soit médiatisée. Les influences qui s’exercent sur le public peuvent également être mieux appréhendées. "Pour lutter contre les fake news, il faut agir sur les trois types d’acteurs (émetteurs, diffuseurs et récepteurs) de manière simultanée car il ne suffit pas de s’attaquer aux plates-formes pour résoudre le problème. 

Bien sûr, certaines initiatives sont utiles : songeons au ‘Digital services Act’ qui a été décidé par l’Europe en 2020 et qui vise notamment à encadrer la publicité ciblée sur les plates-formes ou le signalement plus efficace d’une fake news. De leur côté, certaines plates-formes ont mis en place des partenariats avec des médias ‘fact-checkers’ qui surveillent les fausses informations ou des systèmes de blocage de certains comptes. Il y a aussi un durcissement des conditions d’inscription ou de modération, ainsi que la lutte contre les faux comptes".

Des actions doivent également être menées au niveau des récepteurs. Notre experte invite dès lors les organisations et les citoyens à agir comme contributeur. "Si vous êtes un expert dans un domaine, publiez sur internet, en veillant à ce que votre contenu soit visible. Pour cela, il faut maîtriser les techniques du web (comme les hashtags) qui assurent cette visibilité – ce que les faussaires font parfaitement. Vous pouvez également vous mettre en réseau, afin de partager et amplifier le fast-checking".  Dernier champ d’action : la sensibilisation et le développement de l’esprit critique des citoyens, dès le plus jeune âge. "On parle beaucoup d’éducation aux médias. Pour ma part, je milite pour le retour de l’enseignement de la dialectique et de la rhétorique, qui a été abandonné en France au début du XXème siècle. Dans cette grande Agora qu’est devenu le web, la voix de l’internaute lambda vaut autant que la voix de l’expert ! Il faut donc donner à tous les capacités de sens critique et de compréhension des enjeux démocratiques de l’information" conclut Caroline Faillet. 

 

Vous pouvez voir ou revoir le Web'Actu du Conseil consacré aux fake news

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