Où en est la dette régionale et quelles sont les perspectives d’ici 2030 ? Cet article propose une synthèse des principaux éléments d’analyse de la Commission des experts de la dette, présentés récemment aux membres de Commissions du CESE Wallonie.

 

La dette de la Wallonie constitue un sujet de préoccupation depuis plusieurs années. Elle a notamment été analysée en profondeur par une Commission d’experts, instituée par le Gouvernement wallon, en vue de préparer le budget 2022 et les suivants.

La dette des pouvoirs publics s’accroit lorsque les dépenses d’une année dépassent les recettes de cette même année, c’est-à-dire lorsqu’il y a un déficit. Celui-ci peut concerner les dépenses courantes comme des rémunérations, des subsides, des allocations ou des dépenses d’investissement, qui dans la comptabilité publique sont prises en charge au moment où elles surviennent.

Source : commission externe de la dette

La dette régionale avait déjà augmenté avant la crise sanitaire passant d’un peu plus de 15 milliards € en 2010 à 23 milliards € en 2019. Ensuite, la crise covid a à la fois pesé négativement sur l’évolution des recettes et a nécessité des dépenses importantes pour soutenir les activités économiques impactées et financer les besoins sanitaires et sociaux. En outre, à la mi-juillet 2021, la Wallonie a été confrontée à des inondations qui ont également nécessité des interventions régionales importantes. 

Un déficit structurel à politique constante

L’évolution attendue pour les années à venir, intégrant le financement du Plan de relance, indique un déficit important de la Wallonie jusqu’en 2024 (>20% des recettes). Ensuite, sans mesures correctrices, ce déficit reste structurel et avoisine, à politique constante, 8% des recettes entre 2025 et 2030.

Si, pour les Etats, il est courant d’analyser la soutenabilité de la dette en lien avec le PIB, qui est une bonne mesure des recettes publiques, pour les entités fédérées, il est plus judicieux de se référer à leurs recettes. Lorsque la dette augmente plus rapidement que ces recettes, le taux d’endettement s’accroît, pouvant conduire à une situation non soutenable. Dans cette épure, les projections indiquent que la dette de la Wallonie risque d’approcher 280% des recettes de la Région à l’horizon 2030, sans perspective d’amélioration.

Source : Commission externe de la dette

Les conséquences de l’augmentation de la dette ont été limitées jusqu’ici parce que les taux d’intérêt ont été réduits, notamment suite aux interventions des banques centrales. Cependant, le mouvement semble s’inverser, les taux sont orientés à la hausse et l’inflation s’est considérablement accélérée.

Une dette publique est soutenable si le Gouvernement est jugé capable de garder le contrôle du taux d’endettement avec une probabilité élevée. Il s’agit, à moyen terme, de stabiliser le taux d’endettement à un niveau jugé souhaitable à un horizon raisonnable.

Une dette soutenable permet de recourir à l’emprunt dans de bonnes conditions, pour absorber des chocs futurs comme des récessions, des crises sanitaires ou des catastrophes naturelles, pour assurer le financement des investissements publics nécessaires pour préparer l’avenir. Une réduction trop rapide des déficits peut peser négativement sur l’activité économique et l’emploi ; mais une stratégie de moyen terme doit permettre de créer des marges de manœuvre pour répondre aux besoins futurs, d’éviter une augmentation rapide des taux d’intérêt ou une différenciation entre entités qui pourrait peser sur la Wallonie. En outre, la Fédération Wallonie-Bruxelles connait également une situation budgétaire difficile, avec peu de marge de manœuvre, ce qui fait porter un risque indirect sur la Wallonie qui accepterait le cas échéant de lui apporter un soutien financier.

Perspectives

Les mécanismes de financement font que la situation budgétaire de la Wallonie est relativement peu impactée par les différences de croissance économique entre les Régions. Cependant, une évolution favorable de la croissance belge aura un effet positif sur l’endettement régional. Une augmentation des primes de risques, intégrées aux taux d’intérêt, a peu d’effet les premières années mais peut ensuite engendrer un effet boule de neige, où le déficit s’accroit en raison des intérêts supplémentaires sur la dette publique.

 

A titre d’exemple, une augmentation de la prime de risque (ex : 250 points de base) peut faire évoluer la dette wallonne de manière substantielle, jusqu’à 3 milliards € supplémentaires à l’horizon 2030 ! Si la loi de financement permet de prémunir les finances publiques wallonnes contre des risques macroéconomiques propres à la région, elle ne protège par contre pas la Wallonie contre les chocs financiers d’une ampleur significative. Rappelons enfin qu’il est à ce stade toujours possible qu’une partie des dépenses de relance ou d’investissements initialement programmées jusque 2024, se poursuivent les années suivantes, ce qui risque de peser sur le taux d’endettement.

Prenant en compte ces éléments, la Commission de la dette a proposé une stratégie qui a été adoptée par le Gouvernement wallon. Il s’agit de réaliser un effort structurel correspondant à 1% des recettes, soit environ 150 millions €, cumulatifs chaque année dès 2022. Cette stratégie crédible pourrait ramener le taux d’endettement de la Wallonie vers 230% des recettes à l’horizon 2030.

La soutenabilité des finances publiques est un élément important, notamment pour faire face aux besoins futurs d’investissements publics ou de réponse à des chocs à venir. Le CESE Wallonie analyse l’évolution des finances régionales, de la fiscalité, suit le processus « budget base zéro ». Il veillera à ce que les gouvernements successifs prennent les mesures nécessaires, en recettes ou en dépenses pour ramener à terme l’endettement sur une voie soutenable, tout en répondant aux défis économiques, sociaux et environnementaux auxquels est confrontée la Région.