Le 15 avril 2019, un incendie, dont l’origine reste inconnue, se déclarait dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. Les charpentes médiévales et la flèche érigée au 19ème siècle par l’architecte français Eugène Viollet-le-Duc partaient en fumée tandis que certaines voutes s’effondraient. Les dégâts sont impressionnants. Philippe Villeneuve, Architecte en chef des Monuments historiques (ACMH), responsable des travaux en cours au moment de l’incident, se retrouve alors en charge d’un immense chantier de restauration. Pour relever ce défi, il s’entoure de deux autres architectes des Monuments historiques, Rémi Fromont et Pascal Prunet, d’une équipe de maitrise d’œuvre composée d’une trentaine de personnes, d’entreprises spécialisées ainsi que de compagnons et d’artisans. À l’occasion de l’Assemblée générale de la CRMSF en mai dernier, Philippe Villeneuve a expliqué le chantier de reconstruction en cours, les difficultés rencontrées et les découvertes et résultats réalisés.

Sécuriser et nettoyer

La première phase a été de sécuriser les lieux en retirant les éléments fragiles (vitraux, statues, etc.) et en consolidant l’édifice (contre-fiche au niveau des pignons, mise sur cintre des arcs-boutants, gangue de plâtre sur l’intrados des voûtes pour retenir les pierres instables, plancher à la croisée des transepts, bâches au-dessus des voûtes, etc.).

Il s’agissait ensuite de nettoyer le site en retirant l’échafaudage incendié et en évacuant les débris. Pour ce faire, vu la dangerosité des lieux, un robot a été utilisé. Les morceaux de pierres, de métal et autres ont ensuite été triés, stockés et confiés à l’analyse de spécialistes. En effet, le chantier de restauration ne se contente pas de reconstruire la cathédrale mais offre aussi l’occasion à de très nombreux chercheurs d’étudier l’édifice à travers plusieurs groupes de travail (fer, pierre, etc.).

Le Laboratoire de Recherches des Monuments Historiques (LRMH) est d’ailleurs largement associé au chantier de restauration et aux études scientifiques autour de la cathédrale(1).

(1) Voir à ce sujet la conférence en ligne du 17/11/2022 sur crmsf.be ainsi que l’article dans la revue Wallonie n°154 (janvier 2023).

 Reconstruire la cathédrale de Viollet-le-Duc

Une fois la cathédrale sécurisée, la phase de reconstruction et de restauration a pu être lancée. Le parti pris est de restituer la cathédrale telle qu’elle avait été restaurée sous Viollet-le-Duc qui en avait fait une œuvre totale en édifiant la flèche mais en travaillant aussi sur les décors et le mobilier.

Le chantier touche toutes les parties de Notre-Dame et porte, à la fois, sur la reconstruction de la flèche, des charpentes et des voûtes détruites et, à la fois, sur le nettoyage et la restauration de l’ensemble de l’édifice. L’ensemble du chantier doit être terminé pour le 8 décembre 2024. Afin de respecter ces délais très courts, les travaux de reconstruction et de restauration des différentes parties de l’édifice ont lieu en même temps, véritable défi technique et logistique. A cela s’ajoutent les protocoles très stricts contre la contamination au plomb.

Aujourd’hui, la charpente de la flèche commence à s’élever et devrait être terminée en octobre 2023. Les charpentes de la nef et des transepts sont également en cours de reconstruction. Afin de restituer les charpentes médiévales, des artisans ont été formés aux techniques de l’époque afin de couper et tailler les sections de bois nécessaires et de les assembler. À côté de ces gestes traditionnels, ce sont les campagnes de relevés lasergrammétriques, réalisées avant l’incendie, qui ont permis de restituer fidèlement les charpentes médiévales tandis que les archives de Viollet-le-Duc (esquisses, épures, etc.) offrent toutes les données nécessaires à la reconstruction des parties du 19ème siècle.

Les voûtes endommagées ont également été remontées. A noter que ces voûtes jouaient justement un rôle de pare-feu : si un incendie se déclarait dans la charpente, les petites sections de bois en feu tombaient sur les voutes, limitant l’incendie sur les parties hautes de l’édifice. Les seules voûtes qui ont cédé lors de l’incendie de 2019 sont celles sur lesquelles sont tombées la flèche et les fermes de charpente du 19ème siècle dont les sections de bois, bien plus grandes, ont percé les voûtes de leur poids.

Une cathédrale plus belle que jamais et mieux documentée

La poussière, la cendre mais aussi la pollution de plusieurs décennies avaient envahi l’intérieur de la cathédrale. La première étape a été d’aspirer les moindres recoins de l’édifice. Afin de nettoyer les murs, du latex pur a été appliqué sur ceux-ci. Les joints en pierre, peints en gris sous Viollet-le-Duc, ont ensuite reçu la couleur de la pierre afin d’adoucir le rendu. Les décors peints, les vitraux et les grands orgues ont été restaurés. Les sculptures ont aussi été restaurées ou, lorsque ce n’était pas possible, remplacées par des moulages d’autres statues.

Finalement, la cathédrale retrouve sa clarté et ses couleurs. La luminosité retrouvée grâce au nettoyage des murs et des vitraux permet une dilatation de l’espace : la cathédrale respire, s’amplifie.

La restauration rend également sa place aux interventions de Viollet-le-Duc qui avaient été décriées dans les années ‘60 et souvent rejetées avec, par exemple, des décors peints des chapelles de la nef détruits ou les garde-corps du triforium reculés pour ne plus être visibles. Ces derniers ont retrouvé leur place d’origine.

Ce chantier hors normes permet aussi d’étudier et de découvrir de nouveaux éléments de la cathédrale. Ainsi, la couche de latex appliquée sur les murs a révélé les motifs des décors éphémères imaginés par Viollet-le-Duc pour le baptême du Prince impérial.  Un autre bel exemple de découverte se situe dans le sous-sol de la croisée des transepts. En effet, des fouilles ont dû être effectuées avant de placer l’échafaudage nécessaire à la reconstruction de la flèche et les archéologues ont ainsi mis à jour des sculptures polychromes provenant du jubé du 13ème siècle !

Que reste-t-il de l’incendie ?

Finalement, les personnes en charge de la restauration de la cathédrale de Notre-Dame auront transformé la tragédie de l’incendie de 2019 en une magnifique opportunité pour restaurer l’ensemble de l’édifice et mieux le connaitre. Seuls quelques indices seront conservés à titre de mémoire de cet évènement : les traces de l’incendie sur les murs gouttereaux (au-dessus des voûtes) et une coulure de plomb fondu tombée dans la main du Christ de la Pietà de Nicolas Coustou située dans le chœur. Reste encore le coq qui, du haut de la flèche, a pu être sauvé bien que fort abimé. Il pourrait être soit restauré à l’identique, soit remplacé par un coq-phœnix contemporain, symbole de l’incendie et de la renaissance de la cathédrale.

Philippe Villeneuve appelle également de ses vœux la création d’un musée dans lequel certains éléments trop abimés pour être restaurés pourraient trouver leur place et ainsi témoigner de l’évènement mais aussi de l’histoire de Notre-Dame et des techniques utilisées à travers son histoire.

Le Président de la République avait déclaré, au lendemain de l’incendie, "nous rebâtirons la cathédrale plus belle encore et je veux que ce soit achevé d’ici cinq années". Le pari semble en voie d’être tenu et cela grâce à la compétence et l’engagement de très nombreuses personnes et corps de métier différents au service de ce patrimoine exceptionnel.

 

Pour écouter l'intégralité de la conférence de M. Villeneuve

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